lundi 20 décembre 2010

Sur la route du fleuve

Le fleuve Sénégal
Pour revenir à Dakar, mon point de départ et d'arrivée, j'ai choisi de remonter le fleuve Sénégal qui constitue la frontière orientale du pays. De Kidira, à la frontière du Mali, j'ai suivi la route qui passe par Bakel, Ourossogui et Podor pour se terminer à Saint-Louis. Pour les colons français, c'était la route des forts. Il y en a ainsi à Médine (côté Mali), à Bakel et à Podor, des forts dont certains ont été rénovés comme sites historiques. C'est ainsi que le fort de Podor, qui a joué un rôle important dans la guerre opposant les Français au mouvement des Sénégalais mourides, a retrouvé ses allures d'antan et nous parle d'histoire.

Fort de Podor


La Mauritanie, en face du Sénégal











Le Sénégal oriental c'est la région du Fouta Toro, d'où ont essaimé les Peuls dans les pays avoisinants. C'est une grande plaine sèche où foisonnent les baobabs. Ainsi, à cette époque, tous les jeunes baobabs de moins de trois mètres étaient en fleur, de grosses fleurs roses vif magnifiques! Dans cette savane se promènent inlassablement les bergers peuls et leurs immenses troupeaux de vaches, parfois accompagnés de moutons. Il me semble qu'il n'y avait pas d'herbes à manger, mais les troupeaux sont nombreux et bien nourris. Mais les Peuls ne sont pas majoritaires dans ce coin qui est peuplé surtout de Toucouleurs (les Peuls sont une sous famille des Toucouleurs).
 
 










Il y a aussi beaucoup de Maures dans le coin, la Mauritanie n'étant que de l'autre côté du fleuve Sénégal qui n'est pas large et se traverse facilement en pirogue. Le Fouta, c'est aussi le pays des Mourides, une secte islamique créée par El Hadj Omar Tall (la confrérie mouride) qui jouit aujourd'hui encore d'un grand pouvoir autant politique que spirituel dans la société sénégalaise. C'est Omar Tall qui est à l'origine de la forte islamisation du Sénégal, du Mali et de la Guinée, et l'ennemi numéro un des Français de l'époque coloniale! On trouve dans la région de vieilles mosquées et mausolées de style omarien.
Mausolée

Vieille mosquée










De toutes les villes de la région, Podor est la plus jolie et la plus tranquille. Dominée par le fort, elle s'étend le long du fleuve. Sur le quai, d'anciennes villas françaises retapées, dont l'accueillante auberge Tékrour qui occupe l'ancinne Maison Guillaume Foy. Devant ces maisons, des Sénégalais dans la trentaine jouent...à la pétanque! Le fleuve coule lentement, comme le temps d'ailleurs, ici personne n'est pressé. Une copie d'un ancien bateau de passagers a été remis à flots et relie Podor à Saint-Louis. Et il est question de draguer le fleuve afin de permettre le retour de la ciruclation fluviale jusqu'à Bakel-Kidira. 

La Maison Guillaume Foy, le long des quais

Jeu de pétanque




Podor

Petite vie tranquille

dimanche 19 décembre 2010

Aux pays Goroumsi et Lobi

La cour royale de Tiébélé
Le Burkina Faso comprend de nombreux groupes ethniques dont un bon nombre sont concentrés dans le sud du pays. Ainsi, le Pays Goroumsi se concentre autour du village de Tiébélé qui possède la seule cour royale encore intacte et habitée. La cour est composée d'une succession de maisons et de concessions entourée d'un grand mur, aujourd'hui encore habitée par des descendants royaux. Les maisons des Goroumsis sont faites de banco (boue séchée), sont rondes ou carrées et rattachées entre elles par des murs. Les entrées sont très basses, avec un petit muret devant pour écarter les animaux.

Vue de la cour royale

Certaines cases se divisent à l'intérieur en une succession de trois à  quatre petites pièces, toujours séparées par de très petites entrées. Les cases des femmes sont décorées à l'intérieur de calebasses gravées, de poteries et de paniers. La richesse d'une femme se mesure d'ailleurs à la quantité de poteries qu'elle possède.

Poteries dans la case d'une femme
Calebasses gravées




L'extérieur de ces cases est tout aussi fascinant. Les
murs sont peints de dessins pris de la vie des Goroumsis et faits avec des couleurs naturelles de brun, rouge et noir : des animaux (serpent, lézard, tortue, poule, lion), des humains ou des symboles (cauris, pattes de poulet...). Ce sont les femmes surtout qui décorent les cases et elles rivalisent de créativité et de talent.






Concession Lobi
Le Pays Lobi, lui, se concentre autour du village de Gaoua, plus à l'ouest. Les Lobis, originaires du Ghana, sont des agriculteurs qui ont connu de nombreuses guerres tribales. C'est pourquoi leurs maisons - bâties au milieu des champs et donc éloignées les unes des autres -  ressemblent à de petites forteresses comprenant une série de pièces. Les murs sont faits par étages de boue, créant ainsi des dessins linéaires sur la surface du mur, par ailleurs percé de petits trous pour tirer des flèches sur l'ennemi. Il n'y a pas de fenêtres, mais des ouvertures sur le toit laissent pénétrer la lumière naturelle. Chez les Lobis, les greniers et les animaux étaient gardés à l'intérieur des maisons pour éviter le vol lors de raids ennemis. Chaque pièce à aussi un trou caché dans le toit servant de sortie de secours lors d'attaque ennemie.
Passage d'une pièce à une autre

Les Lobis, tout comme les Goroumsis, sont fétichistes et observent le culture des ancêtres, ces ancêtres qui guident les vivants. 

A 45 km de Gaoua se trouve les ruines de Loropeni, une ancienne forteresse datant du 11e siècle et classée site historique protégé par l'UNESCO. Il ne reste que des murs épais, mais d'une hauteur impressionnante (3 à 4 mètres), une surface rectangulaire d'un hectare subdivisée en trois sections, celle des femmes, celle des hommes agriculteurs et celles des guerriers. On ne peut qu'imaginer la vie dans cette forteresse, aujourd'hui sereine au milieu des arbres qui l'envahissent!
 




















samedi 4 décembre 2010

Sous-vêtements d'occasion et autres nouvelles

Dans la presse québécoise virtuelle, un article attire mon attention, non pour sa pertinence, mais bien au contraire pour son insipidité : "Le Ghana songe à interdire la vente de sous-vêtements d'occasion". L'Afrique regorge de nouvelles, de changements, d'évènements que la presse nord-américaine, trop souvent, juge non importants ou inintéressants pour son public. Pourtant, les Africains eux-mêmes raffolent des nouvelles, partout les télés et radios diffusent à longueur de journées les faits saillants du continent, donnant lieu à de longues discussions menées tant par des chefs d'entreprises que des petits commerçants, en passant par les chauffeurs de taxis, les passagers des autobus, les pêcheurs au port et les paysans dans les champs!

Lors de mon passage en Afrique de l'Ouest, la Guinée, la Côte d'Ivoire et le Burkina Faso ont eu des élections plus ou moins mouvementées et parsemées d'embûches et de suspense. En voici un court résumé.
 
Cellou Dallein Diallo, Guinée

Cellou Dian Diallo : "Notre victoire est seulement différée"

En Guinée, des élections libres ont eu lieu pour la première fois de l'histoire de ce pays; deux candidats se battaient pour la présidence, Alpha Condé, longtemps chef de l'opposition au régime militaire en place depuis l'indépendance, et Cellou Dallein Diallo, un jeune politicien encore peu connu du milieu. Mais voila, le premier est Malinké, le deuxième Peul. Très vite les positions de la population se cristalisent selon l'ethnie. Le premier tour voit Diallo vainqueur, alors que, surprise, au deuxième tour, Condé semble tout d'un coup avoir dépassé son adversaire. Simple effet des alliances scellées entre les deux tours? Non, bien vite des anomalies et irrégularités ressortent; les Peuls défendent leur victoire et se font tabasser par les supporters de Condé et l'armée. La tension monte, les frontières terrestres sont fermées, le monde (africain) retient son souffle. Les militaires vont-ils à nouveau intervenir? Non, on voit la Commission électorale nationale indépendante qui hésite, tergiverse, puis finalement opte pour la solution la moins dangereuse : ignorer la tricherie qui aurait automatiquement ramené Diallo vainqueur, mais aurait très certainement amené la guerre civile vue la virulence du parti de Condé. Bon prince, Diallo a gracieusement pris acte de la décision finale de la cour suprême et accepté la défaite afin de préserver la paix dans le pays, exhortant ses supporters à garder le calme. Une belle leçon de politique par un homme courageux qui a su faire passer les intérêts du pays avant les siens. Et comme disent les Guinéens, mieux vaut un civil au pouvoir, même frauduleusement élu, qu'un militaire!
                                                
 Burkina Faso : Blaise Compaoré à vie?

Blaise Compaoré, Burkina Faso
Si les Africains étaient suspendus à leur écran de télévision pour les élections en Guinée et Côte d'Ivoire, celles du Burkina Faso sont passées quasi inaperçues. Les burkinabès étaient soit totalement indifférents, sarcastiques ou désabusés. "A quoi sert de voter, on connaît les résultats d'avance, rien ne va changer". Blaise Compaoré a fait de ces élections tout un spectacle; sa campagne ressemblait à un blitz de star en promotion. Au grand bonheur des enfants, des hélicos ont lâché des milliers de cartes postales à l'effigie du président qu'ils s'empressaient de traquer comme dans une chasse au trésor! Des affiches géantes du candidat sortant, des messages sur ses multiples réalisations et aucune visibilité de candidats opposants ont transformé ces élections en masquarade. Et Blaise Compaoré, qui est au pouvoir depuis 23 ans, a repris le chemin de la présidence comme si de rien n'était.

Alassane Ouattara, Côte d'Ivoire
Une nouvelle ère pour la Côte d'Ivoire?
Les élections en Côte d'Ivoire étaient attendues et craintes tout à la fois. Après 10 ans de guerre civile, le pays saurait-il reprendre le chemin de la démocratie sans effusion de sang? Pendant quelques jours, les deux candidats ont été déclarés vainqueur tour à tour, puis le pays a eu deux présidents, avant de finalement reconnaître la victoire d'Alassane Ouattara sur son rival Laurent Gbagbo. Mais cette victoire n'a pas eu lieu sans effusion de sang et plusieurs morts, malgré un couvre-feu de 5 jours! Si la situation reste très tendue dans le pays, on ne peut qu'espérer que la décision finale de la Commission électorale indépendante, qui a refusé de jouer le jeu de l'adversaire mauvais perdant,
marque le début d'une nouvelle ère pour la Côte d'Ivoire.



Yahouza, du Niger et Hérico,
de la Guinée portent fièrement
des tenues de leur pay



Réunion régionale CECI-EUMC de l'Afrique de l'Ouest  
La réunion annuelle pour la région Afrique de l'Ouest francophone du CECI et de l'EUMC a eu lieu cette semaine à Ouagadougou, au Burkina Faso. Je ne vous parlerai pas ici du contenu, trop technique pour l'intérêt de cette chronique, mais de mes collègues africains venus du Sénégal, de la Guinée, du Mali, du Niger et bien sûr du Burkina Faso, ainsi que trois personnes du siége social de Montréal. C'était intéressant de participer à une réunion où les Africains étaient majoritaires et menaient la barque. Mais surtout, j'ai apprécié la solidarité, l'amitié et la volonté de ces hommes et femmes qui travaillent à améliorer la vie des populations de leur pays et continent. Toujours de bonne humeur, prompts aux blagues de cousinage et aux rires contagieux, ils sont l'espoir et la force des pays en développement, et la fierté de notre organisation. Leurs réflexions, leurs analyses de la situation des pays, leurs explications sur les élections en cours, bref leurs perspectives et points de vue ont été des plus enrichissants pour ma compréhension de ce coin d'Afrique.


 

Cases africaines

Je vous laisse sur ces images de cases correspondant à des ethnies différentes et que l'on rencontre dans divers pays de l'Afrique de l'Ouest.

Case peule des nomades du Sahel

 
Case peule du Fouta Djalon en Guinée

 
Maison bobo, dans le sud-ouest du Burkina Faso

Cases sénoufos, dans le sud-ouest du Burkina Faso



Le riz, source de vie

La récolte du riz
Quand on pense au Sahel - et le Burkina Faso est un pays du Sahel - on ne pense pas voir des rizières! Et pourtant, depuis que je suis en Afrique, que ce soit au Sénégal, au Mali ou au Burkina Faso, il y a du riz local qui pousse dans des périmètres irrigués. Ce qui m'a amené au constat que même les pays du Sahel ont des régions verdoyantes où coulent des rivières et des torrents et où poussent du riz, de la canne à sucre et du coton, trois cultures qui demandent pas mal d'eau! Le Sahel n'est pas que désert et j'ai vu au cours des trois derniers mois plus de cascades et de rivières que je n'en vois en un été au Canada!

Récolte du riz à la faux

La récolte du riz se fait manuellement
La culture du riz est dificile et pénible pour ceux qui la pratiquent encore de façon manuelle. Ici, pas de tracteur ni de moissonneuse-batteuse, tout se fait à la main et toute la famille élargie se met à l'ouvrage, des enfants aux vieillards. Cela demande beaucoup d'énergie car les journées sont longues et le soleil impitoyable. Mais le riz vient tout de suite après le mil comme nourriture de base des Africains de la région.  
Les tiges de riz avant l'égrenage

 
Depuis quelques années, les pays du Sahel tentent de revaloriser leur production de riz local. En effet, l'Asie avait envahi l'Afrique d'un riz bon marché et les habitants délaissaient la production locale. Mais la crise alimentaire est arrivée et le riz asiatique est resté en Asie. C'est à ce moment que les gouvernements ont relancé la production du riz local. Uniterra a plusieurs partenaires oeuvrant dans la production du riz. Au Burkina Faso, un des projets vise les femmes qui améliorent le riz en l'étuvant. L'étuvage du riz s'est toujours fait, mais de façon individuelle et artisanale. Avec l'appui de plusieurs volontaires, les étuveuses de riz se sont réunies en groupements, puis en union nationale.

Un centre d'étuvage a été construit à Bama par des jeunes ingénieurs de l'Université de Sherbrooke.  Aujourd'hui, il y a neuf groupements à Bama, composés de 408 membres. Les groupements viennent à tour de rôle au centre, à raison de trois jours par semaine, avec la puis étuvé, décortiqué, vanné, trié et enfin emballé avant d'être vendu sur les marchés locaux. Par ailleurs, les ingénieurs ont conçu un four qui utilise les balles de riz comme combustible, réduisant ainsi de façon significative l'utilisation de bois de chauffe.
 
Trempage du riz

Four utilisant les balles de riz pour l'étuvage











La présidente de l'Union nationale
des étuveuses de riz du Burkina






jeudi 25 novembre 2010

Chroniques variées

La petite fille au foulard jaune citron
Elle est assise sur un banc à la gare routière de Bandiagara (Mali), un foulard jaune citron encadrant son visage très noir. Elle a la taille d'une enfant de 10 ans, mais en a peut-être 12. Elle n'est pas très jolie et porte une robe déchirée qui lui tombe sur les épaules. Des larmes coulent silencieusement le long de ses joues. Je les sèche de mes doigts mais ne parvient pas à lui faire dire ce qui ne va pas, malgré l'aide d'autres gamines. Elle monte seule dans le bus pour Bamako, à 16 heures de route d'ici. Je lui fais signe de s'asseoir à côté de moi, elle s'accroche de ses mains au siège devant elle. C'est alors que je remarque qu'elle a des mains de vieille femme, sèches, ridées et calleuses, des mains de paysanne. On me dit qu'elle se rend dans sa famille élargie à Bamako et je ne serais pas surprise qu'elle y soit envoyée comme servante. Elle ne dit mot, pleure de temps à autre sans bruit et me regarde de ses grands yeux tristes remplis d'incompréhension. Elle n'a pas de bagage, pas d'argent, pas de provision. Je lui achète de l'eau et de la nourriture, puis elle s'endort, épuisée d'émotion. Huit heures plus tard, je descend du bus et la réveille pour lui dire aurevoir. Elle se rendort aussitôt, dans six heures elle arrivera à Bamako où, je l'espère, l'attend vraiment de la famille. Je ne suis jamais parvenue à lui soutirer un sourire, je n'ai jamais su son nom, mais je ne suis pas prête d'oublier ses grands yeux tristes!

Panier rempli d'épis de mil


Le mil, céréale de vie

Tas d'épis de mil prêts à égrener
Partout en Afrique de l'Ouest, on voit de grands champs où se balancent de longs épis au vent. On dirait des plants de maïs, mais encore plus grands. Si les épis sont rouges, c'est du sorgho, sinon c'est du petit mil ou millet. En ce moment, c'est l'époque de la récolte qui s'avère très bonne cette année.Pour égrener les épis, on les bat dans un panier ou sur un sac par terre, puis on les fait sauter dans un van (panier plat en osier tressé) pour éliminer l'enveloppe des grains (son) qui s'envole au vent alors que les grains retombent dans le van.

Vannage du millet

Femmes pilant le millet dans un mortier








  

Mil prêt à être pilé






Lorsque les grains sont débarassés de leur enveloppe, on les met dans un grand mortier en bois et on les pile. Avant, les grains étaient moulus avec une meule en pierre, un travail encore plus difficile que le pilonnage, mais certaines personnes m'ont dit préférer le goût du grain moulu sur meule que pilé au mortier. Par la suite, le millet est longeument cuit avec de l'eau pour en faire une pâte épaisse qui se mange avec une sauce de feuilles de baobab. Ce plat, appelé est le plat national du Burkina Faso.Bon appétit!
    
Mil moulu à la pierre
Toubab mangeant du tô chez l'habitant











Au pays Sénoufo
Dans le sud-ouest du Burkina Faso, la région des Cascades cachent des merveilles géologiques au milieu des paysages verdoyant des rizières et des champs de mil, des jardins potagers et des manguiers. Des rochers en forme de dômes, les dômes de Fabedougou, formés par l'eau et l'érosion, ou encore les pics de Sindou, une chaîne de pierres de formes coniques qui semblent sortir tout droit d'un conte de fées!

Dômes de Fabedougou

Pics de Sindou