Dans la presse québécoise virtuelle, un article attire mon attention, non pour sa pertinence, mais bien au contraire pour son insipidité : "Le Ghana songe à interdire la vente de sous-vêtements d'occasion". L'Afrique regorge de nouvelles, de changements, d'évènements que la presse nord-américaine, trop souvent, juge non importants ou inintéressants pour son public. Pourtant, les Africains eux-mêmes raffolent des nouvelles, partout les télés et radios diffusent à longueur de journées les faits saillants du continent, donnant lieu à de longues discussions menées tant par des chefs d'entreprises que des petits commerçants, en passant par les chauffeurs de taxis, les passagers des autobus, les pêcheurs au port et les paysans dans les champs!
Lors de mon passage en Afrique de l'Ouest, la Guinée, la Côte d'Ivoire et le Burkina Faso ont eu des élections plus ou moins mouvementées et parsemées d'embûches et de suspense. En voici un court résumé.
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Cellou Dallein Diallo, Guinée |
Cellou Dian Diallo : "Notre victoire est seulement différée"
En Guinée, des élections libres ont eu lieu pour la première fois de l'histoire de ce pays; deux candidats se battaient pour la présidence, Alpha Condé, longtemps chef de l'opposition au régime militaire en place depuis l'indépendance, et Cellou Dallein Diallo, un jeune politicien encore peu connu du milieu. Mais voila, le premier est Malinké, le deuxième Peul. Très vite les positions de la population se cristalisent selon l'ethnie. Le premier tour voit Diallo vainqueur, alors que, surprise, au deuxième tour, Condé semble tout d'un coup avoir dépassé son adversaire. Simple effet des alliances scellées entre les deux tours? Non, bien vite des anomalies et irrégularités ressortent; les Peuls défendent leur victoire et se font tabasser par les supporters de Condé et l'armée. La tension monte, les frontières terrestres sont fermées, le monde (africain) retient son souffle. Les militaires vont-ils à nouveau intervenir? Non, on voit la Commission électorale nationale indépendante qui hésite, tergiverse, puis finalement opte pour la solution la moins dangereuse : ignorer la tricherie qui aurait automatiquement ramené Diallo vainqueur, mais aurait très certainement amené la guerre civile vue la virulence du parti de Condé. Bon prince, Diallo a gracieusement pris acte de la décision finale de la cour suprême et accepté la défaite afin de préserver la paix dans le pays, exhortant ses supporters à garder le calme. Une belle leçon de politique par un homme courageux qui a su faire passer les intérêts du pays avant les siens. Et comme disent les Guinéens, mieux vaut un civil au pouvoir, même frauduleusement élu, qu'un militaire!
Burkina Faso : Blaise Compaoré à vie?
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Blaise Compaoré, Burkina Faso |
Si les Africains étaient suspendus à leur écran de télévision pour les élections en Guinée et Côte d'Ivoire, celles du Burkina Faso sont passées quasi inaperçues. Les burkinabès étaient soit totalement indifférents, sarcastiques ou désabusés. "A quoi sert de voter, on connaît les résultats d'avance, rien ne va changer". Blaise Compaoré a fait de ces élections tout un spectacle; sa campagne ressemblait à un blitz de star en promotion. Au grand bonheur des enfants, des hélicos ont lâché des milliers de cartes postales à l'effigie du président qu'ils s'empressaient de traquer comme dans une chasse au trésor! Des affiches géantes du candidat sortant, des messages sur ses multiples réalisations et aucune visibilité de candidats opposants ont transformé ces élections en masquarade. Et Blaise Compaoré, qui est au pouvoir depuis 23 ans, a repris le chemin de la présidence comme si de rien n'était.
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Alassane Ouattara, Côte d'Ivoire |
Une nouvelle ère pour la Côte d'Ivoire?
Les élections en Côte d'Ivoire étaient attendues et craintes tout à la fois. Après 10 ans de guerre civile, le pays saurait-il reprendre le chemin de la démocratie sans effusion de sang? Pendant quelques jours, les deux candidats ont été déclarés vainqueur tour à tour, puis le pays a eu deux présidents, avant de finalement reconnaître la victoire d'Alassane Ouattara sur son rival Laurent Gbagbo. Mais cette victoire n'a pas eu lieu sans effusion de sang et plusieurs morts, malgré un couvre-feu de 5 jours! Si la situation reste très tendue dans le pays, on ne peut qu'espérer que la décision finale de la Commission électorale indépendante, qui a refusé de jouer le jeu de l'adversaire mauvais perdant,
marque le début d'une nouvelle ère pour la Côte d'Ivoire.
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Yahouza, du Niger et Hérico,
de la Guinée portent fièrement
des tenues de leur pay |
Réunion régionale CECI-EUMC de l'Afrique de l'Ouest
La réunion annuelle pour la région Afrique de l'Ouest francophone du CECI et de l'EUMC a eu lieu cette semaine à Ouagadougou, au Burkina Faso. Je ne vous parlerai pas ici du contenu, trop technique pour l'intérêt de cette chronique, mais de mes collègues africains venus du Sénégal, de la Guinée, du Mali, du Niger et bien sûr du Burkina Faso, ainsi que trois personnes du siége social de Montréal. C'était intéressant de participer à une réunion où les Africains étaient majoritaires et menaient la barque. Mais surtout, j'ai apprécié la solidarité, l'amitié et la volonté de ces hommes et femmes qui travaillent à améliorer la vie des populations de leur pays et continent. Toujours de bonne humeur, prompts aux blagues de cousinage et aux rires contagieux, ils sont l'espoir et la force des pays en développement, et la fierté de notre organisation. Leurs réflexions, leurs analyses de la situation des pays, leurs explications sur les élections en cours, bref leurs perspectives et points de vue ont été des plus enrichissants pour ma compréhension de ce coin d'Afrique.
Cases africaines
Je vous laisse sur ces images de cases correspondant à des ethnies différentes et que l'on rencontre dans divers pays de l'Afrique de l'Ouest.
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Case peule des nomades du Sahel |
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Case peule du Fouta Djalon en Guinée |
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Maison bobo, dans le sud-ouest du Burkina Faso |
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Cases sénoufos, dans le sud-ouest du Burkina Faso |