jeudi 25 novembre 2010

Chroniques variées

La petite fille au foulard jaune citron
Elle est assise sur un banc à la gare routière de Bandiagara (Mali), un foulard jaune citron encadrant son visage très noir. Elle a la taille d'une enfant de 10 ans, mais en a peut-être 12. Elle n'est pas très jolie et porte une robe déchirée qui lui tombe sur les épaules. Des larmes coulent silencieusement le long de ses joues. Je les sèche de mes doigts mais ne parvient pas à lui faire dire ce qui ne va pas, malgré l'aide d'autres gamines. Elle monte seule dans le bus pour Bamako, à 16 heures de route d'ici. Je lui fais signe de s'asseoir à côté de moi, elle s'accroche de ses mains au siège devant elle. C'est alors que je remarque qu'elle a des mains de vieille femme, sèches, ridées et calleuses, des mains de paysanne. On me dit qu'elle se rend dans sa famille élargie à Bamako et je ne serais pas surprise qu'elle y soit envoyée comme servante. Elle ne dit mot, pleure de temps à autre sans bruit et me regarde de ses grands yeux tristes remplis d'incompréhension. Elle n'a pas de bagage, pas d'argent, pas de provision. Je lui achète de l'eau et de la nourriture, puis elle s'endort, épuisée d'émotion. Huit heures plus tard, je descend du bus et la réveille pour lui dire aurevoir. Elle se rendort aussitôt, dans six heures elle arrivera à Bamako où, je l'espère, l'attend vraiment de la famille. Je ne suis jamais parvenue à lui soutirer un sourire, je n'ai jamais su son nom, mais je ne suis pas prête d'oublier ses grands yeux tristes!

Panier rempli d'épis de mil


Le mil, céréale de vie

Tas d'épis de mil prêts à égrener
Partout en Afrique de l'Ouest, on voit de grands champs où se balancent de longs épis au vent. On dirait des plants de maïs, mais encore plus grands. Si les épis sont rouges, c'est du sorgho, sinon c'est du petit mil ou millet. En ce moment, c'est l'époque de la récolte qui s'avère très bonne cette année.Pour égrener les épis, on les bat dans un panier ou sur un sac par terre, puis on les fait sauter dans un van (panier plat en osier tressé) pour éliminer l'enveloppe des grains (son) qui s'envole au vent alors que les grains retombent dans le van.

Vannage du millet

Femmes pilant le millet dans un mortier








  

Mil prêt à être pilé






Lorsque les grains sont débarassés de leur enveloppe, on les met dans un grand mortier en bois et on les pile. Avant, les grains étaient moulus avec une meule en pierre, un travail encore plus difficile que le pilonnage, mais certaines personnes m'ont dit préférer le goût du grain moulu sur meule que pilé au mortier. Par la suite, le millet est longeument cuit avec de l'eau pour en faire une pâte épaisse qui se mange avec une sauce de feuilles de baobab. Ce plat, appelé est le plat national du Burkina Faso.Bon appétit!
    
Mil moulu à la pierre
Toubab mangeant du tô chez l'habitant











Au pays Sénoufo
Dans le sud-ouest du Burkina Faso, la région des Cascades cachent des merveilles géologiques au milieu des paysages verdoyant des rizières et des champs de mil, des jardins potagers et des manguiers. Des rochers en forme de dômes, les dômes de Fabedougou, formés par l'eau et l'érosion, ou encore les pics de Sindou, une chaîne de pierres de formes coniques qui semblent sortir tout droit d'un conte de fées!

Dômes de Fabedougou

Pics de Sindou








mercredi 24 novembre 2010

La magie du pays Dogon

 
Les grottes des peuples télem et dogon
creuséee à même la falaise de Bandiagara

Le pays Dogon est magique et ne peut laisser quiconque indifférent à sa beauté. Une falaise, la falaise de Bandiagara, s'érige comme une grande et large muraille au milieu d'une plaine sablonneuse qui s'étend jusqu'aux dunes du Sahel. La falaise ne fait que 250 mètres à son plus haut, mais elle impressionne par sa tombée abrupte et, surtout, par le fait qu'elle est creusée de centaines de trous qui sont en fait des maisons de troglodytes. En effet, il y a bien longtemps, les Télems, un peuple qui vivait de chasse et de cueillette, s'étaient installés dans la falaise pour se protéger des animaux et de tribus enemies. Par la suite, avec la venue de l'islam, le peuple Dogon, des cultivateurs originaires du Mandé fuyant l'envahisseur Toucouleur venu apporté la religion d'Allah, est venu prendre leur place. Peu à peu, ils ont quitté les grottes pour construire des villages sur le plateau de la falaise, dans les éboulis au pied de la falaise ou carrément dans la plaine, gardant les grottes pour y disposer de leurs morts.
Greniers dogons dans les éboulis de la falaise


Les maisons dogons sont faites de boue renforcée de paille, de pain de baobab et de beurre de karité pour la rendre plus solide et imperméable à l'eau. Une famille - ou concession - peut comprendre une à plusieurs cases. Hommes et femmes ont chacun leurs greniers, des petites cases rondes ou carrés avec une fenêtre d'accès à hauteur d'homme et un toit plat pour disposer le surplus. Dans les greniers des hommes, on stocke les céréales, le petit mil ou le sorgho, principales sources de nourriture des Dogons. Les greniers des femmes sont divisés en quatre, chaque partie comprenant les légumes et condiments de préparation des repas : feuilles de baobab pour la sauce, épices, tomates, oignons.


Faire du trek au pays dogon, c'est se promener dans un autre monde, un monde de rocher, de sable et de champs, mais aussi le monde de génies des eaux, de crocodiles sacrés, de dieux qu'il faut apaiser par des sacrifices, de divinatinons propiciatoires pour les récoltes, les festivités, les guerres. Un monde où les masques jouent un rôle d'intermédiaires entre les dieux et les hommes. Il faut un guide pour s'y retrouver, tant au niveau des pistes entre les villages, qu'au niveau du fonctionnement de cette société complexe. La marche n'est pas difficile, soit le long de sentiers sableux serpentant dans la plaine au milieu de champs et de vergers, soit sur le plateau rocheux au sommet de la falaise. Pour passer de la plaine au plateau, il existe trois ou quatre endroits où des failles se sont formées dans la falaise en laissant des éboulis de cailloux formant plus ou moins des escaliers d'accès. Aux endroits plus difficiles, des échelles dogon ont été mises pour traverser.

Maison de chasseur
Un chasseur dogon et son attirail
Village au pied de la falaise

Village en haut sur le plateau
 
Une faille dans la falaise

Togona, endroit où sont réglés les
problèmes du village

Nous marchons tôt le matin, nous reposant pendant les chaudes heures de l'après-midi dans un des nombreux campements dans les villages, avant de reprendre le chemin pour une ou deux autres heures en fin de journée, avant de retrouver un campement pour la nuit. Les campements sont très variés mais empruntent à l'architecture dogon ces formes principales : ce sont des cases avec toits plats, parfois avec étages ou reliés par des couloirs, certains ressemblent à des petits chateaux forts. Tous sont orgnés de portes et de cadenas dogons sculptés dans le bois et décorés avec des symboles et représentations du monde dogon. Il fait très chaud, l'harmattan souffle parfois, soulevant un mince sable qui se faufile partout et envahit personnes et habitations. Des matelas sont mis sur les terrasses des campements, surmontés de moustiquaires et nous dormons ainsi avec une superbe vue de la voûte céleste.

Maison dogon avec échelle pour atteindre le 2e étage


Mosquée style sahélien













Les campements sont souvent au milieu des villages, ce qui permet de cotoyer les habitants, très chalureux et prêts à partager leur culture avec nous. Un jour de fillettes m'ont assaillie et ont commencé gentillement à mes tresser les cheveux, une autre fois, j'ai jouer avec René, un adorable bambin qui pratiquait son art de marcher en se précipitant dans mes jambes avec un grand rire de victoire, souvent j'assistais à la préparation des repas et goûtant à des plats variés locaux (tô de millet).

Guide avec chapeau dogon

Des fillettes me tressant les cheveux










Mur reliant des cases et séparant des concessions

lundi 8 novembre 2010

Sur le fleuve Niger

Le Kankou Moussa au quai à Ségou
J'avais toujours rêvé de descendre ou de remonter le fleuve Niger à bord de ces bateaux de marchandises et de passagers en même temps. Je me suis donc rendue à Koulikoro, le port le plus proche de Bamako. Koulikoro a, dans une autre vie, connu son heure de gloire comme étant la fin de la ligne de chemin de fer entre Dakar et Bamako. Aujourd'hui, le train ne passe plus par Koulikoro qui est redevenue une petite bourgade oubliée du reste du pays. Pourtant, Koulikoro porte encore en elle la marque de ce pan de son histoire : les rails sont certes enfouis sous les herbes, mais les traverses sont encore visibles aux croisements des rues. Je me remémore le livre du Sénégalais Ousmane Sembené "Les bouts de bois de Dieu qui raconte la grève des cheminots de Koulikoro, Thiès et Dakar, la première grève organisée et menée par les Africains contre les colons français. Sur les hauteurs de Koulikoro, un imposant et vieux bâtiment blanc de style colonial pourrait avoir été le siège du gouverneur français! Au pied de la colline, serrés contre le fleuve, s'empilent les taudis des anciens cheminots et quelques entrepôts délabrés.
Si le train ne vient plus jusqu'ici, le bateau, lui, remonte toujours le fleuve jusqu'a Tombouctou, en passant par Ségou, Markala et Mopti. J'ai pris une cabine de première classe dans le Kankou Moussa appareillant le mardi soir à 22 heures. J'ai l'air climatisé et un frigidaire, une douche et cabinet, le tout d'une propreté douteuse. Il n'y a pas de drap, pas d'oreiller, pas de papier hygiénique, pas de serviette de bain. Le luxe? Je suis seule dans ma cabine et j'ai vue sur le fleuve.

Sur le pont avant, des cheveaux et
une barge que le bateau poussera
jusqu'à Tombouctou
Le kankou Moussa avant le chargement

 







Des gens s'installent sur le pont

Le chargement du bateau est long et comprend des tracteurs, des cheveaux, des moutons destinés à la fête de Tabaski et, surtout, des sacs et des sacs de denrées et de marchandises allant de riz, oignons, couscous, sable, ciment et autres sont empilés, d'abord dans la soute, puis, quand l'espace vient à manquer, sur le premier pont (moi je suis sur le troisième pont). Si les ponts 2 et 3 servent à loger les gens dans des cabines privées ou des dortoirs, sur le premier pont, les gens les plus pauvres se battent pour trouver un espace où s'installer, certains se recréant une véritable maison!
 

La famille d'Aoulata s'est crée un coin chaleureux

Là, les gens installent leurs nattes directement au sol, resserrent leurs paquets autour d'eux, se formant ainsi un petit territoire délimité et collé sur des dizaines d'autres en une véritable cité flottante. Bien vite, la vie s'organise, des petis brazeros sont allumés et des poissons et beignets frits, tandis que les mères étendent les nattes et que les enfants explorent leur nouvel environnement à grands renforts de cris. Les hommes se retrouvent accotés au bastingage, une cigarette à la bouche, commentant les événements de la journée. 

Ma petite amie Aolata

                              
    


Au petit matin; le ciel est brumeux, le paysage flotte à l'horizon, incertain. On perçoit les silhouette floues d'arbres majestueux, seules les rives, non loin, tombent de façon nette dans les eaux grises. Dans la salle à manger, l'équipage regarde des films ou des téléséries ivoiriennes souvent très drôle et doublées d'une morale subtile. Nous nous arrêtons une première fois vers midi à Ségou où un gros chargement nous attend. Les débardeurs vont et viennent inlassablement, de lourds sacs sur le dos ou la tête. Sur la rive, les femmes et les filles font la lessive, des jeunes garçons se laissent glisser nus jusque dans l'eau sur une piste de lancement de bâteau.

Puis le calme plat. Le fleuve s'étale dans les herbes environnantes, formant comme un delta, mais dû seulement aux fortes pluies. La saison sèche fera réapparaître les îles et les arbres n'auront plus les pieds dans l'eau. Au petit soir, on aperçoit un barrage et le bateau se dirige vers un canal creusé pour le contourner. A l'entrée du canal se trouve la bourgade de Markala aux maisons de banco dorées par le soleil couchant. Des pirogues se lancent à l'abordage du bateau pour y embarquer des passagers ou encore vendre des pastèques. La nuit tombe, le canal est très étroit et dans un virage la barge se coince dans la terre. La manoeuvre pour reprendre le chemin prend beaucoup de temps.

Je somnole lorsaue des voix me parviennent tout droit de mon hublot, ce qui est impossible puisque je suis sur le troisième pont. J'entrouve les rideaux et me trouve nez à nez avec toute une foule qui vend des denrées. Nous sommes dans une écluse qui descend le bateau au niveau du fleuve de l'autre côté du barrage. Les arrêts trop longs pour le chargement nous a mis en retard et au lieu de deux jours, nous mettrons finalement trois jours à atteindre Mopti, ma destination. Le bateau lui continuera jusqu'à Tombouctou où, malheureusement, il n'est pas recommandé aux Occidentaux de se rendre suite aux enlèvement de nombreux Français au Niger voisin.





 

lundi 1 novembre 2010

Malinkés ou Mandingues, Mandinkas, Mandingos, Mandés, Maninkas... et Bambaras


L'arche de Kamadjan à Siby
 Depuis que je suis au Mali, je suis confrontée à une multiciplicité de noms d'appartenance ethnique : les gens se disent malinkés, mandingues, bambaras, mais moi je ne vois pas la différence, alors qu'elle était frappante entre les ethnies de Guinée. Je suis donc allée me promner en pays mandingue (et à l'Internet) pour en apprendre un peu plus.

Le Mandé est la province d'où est parti l'Empire du Mandé, sous l'impulsion de Soundiata Keita, plus connu sous le nom d'Empire du Mali, l'un des plus grands empires qui ait existé en Afrique. Le pays Mandingue englobe une partie sud du Mali et une partie de presque tous les pays voisins. Le Mali actuel doit son nom a cette région du Mandé. Le nom malinké, veut dire venant du Mali, l'homme du Mandé, d'où sont originaires tous les groupes mandingues. Les Malinkés ont donné naissance à de nombreux groupes mandingues : Bmabaras, Soussous, Khassonkés, Diakhandé, Diaoulas. Je vous ai perdus? Ce n'est rien, je vous en reparlerai plus tard, après avoir lu le premier tome d'un livre intitulé Ségou, une saga de l'empire bambara de la ville du même nom.
Maison du karité de Siby

Siby est en plein pays Mandé, à une cinquantaine de kilométres de Bamako. Le gros village est connu de nous pour deux raisons. C'est là qu'est la Maison du karité, construite il y a quelques années par un groupe de jeunes stagiaires de l'école Polytechnique de Montréal (CIPO), dans le contexte d'un projet d'appui d'Uniterra. La maison est en fait une enceinte comprenant un ensemble de petits édifices abritant des unités de production de beurre de karité, de savons, d'entreposage et aussi une boutique de vente. Quand je suis arrivée, des touristes sortaient du magasin après avoir fait des achats. C'est dire que le projet fonctionne toujours et attire même les gens de Bamako la fin de semaine.

Stockage de savons

Femmes productrices de karité
 














Amandes de karité

L'autre raison de visiter Siby est pour sa cascade de Djenene et l'arche de Kamadjan. Ces deux sites se trouvent sur la falaise qui surplombe Siby et on y accède soit à pied soit en moto. La piste qui conduit à la cascade traverse de petits villages malinkés où les femmes s'activent à la lessive ou à la cuisine, tandis que les hommes sont aux champs ou à la chasse. Les Malinkés sont de fiers chasseurs regroupés en confrérie. Aujourd'hui, le petit gibier se fait plus rare, mais on croise encore des chasseurs magires et secs comme des oliviers, portant en travers de l'épaule un vieux fusil et une gibecière. Le sol est très pierreux et toujours de ce rouge qui caractérise bien des pays d'Afrique. Ce sol sec est propice à la culture de l'arbre à karité et au manguier qui s'étendent à perte de vue autour de Siby. Il y a aussi des champs d'arachides, de sorgho haut comme deux hommes, de pommes de terre et d'oignons...

Parc d'arbres à karité

L'arche de Kamadjan est en haut de la falaise et tient du miracle. Sous lui, une enfilade de grottes aux colonnes naturelles lisses comme du marbre par l'égouttement de la pluie servaient autrefois pour des rituels de divination selon un système très complexe. Aujourd'hui, on y vient pour la randonnée et la magnifique vue. Quant à la cascade, elle forme en tombant de la falaise une grande piscine naturelle aux eaux vert émeraude très engageantes. Malheureusement, j'avais oublié mon maillot de bain!



Cascade de Djenene


  










Samedi est aussi le jour de marché à Siby et les gens viennent de loin, de Bamako comme de la frontière guinéenne, pour y acheter et vendre toute une variété de produits. Ils viennent en minibus bondés, en camions poids lourds, tous entassés à l'arrière sur des montagnes de marchandises, à moto, un mouton sur les genoux (la fête de la Tabaski approche et il y a des moutons partout dans les rues prêts à être sacrifiés), à vélo ou encore à pieds des villages avoisinants. Le marché s'étale tout le long de la grand route et loin derrière jusque sous les arbres qui prodiguent une ombre bienfaisante. Certains vendeurs ont des petits kiosques avec bâche, les plus pauvres sont assis sur le bord de la route. Il y a le coin des vêtements, des tissus, de la ferblanterie, de la quincaillerie, des animaux, des restaurants, des fruits et des légumes, des articles ménagers, de l'artisanat, de la litterie, des pièces d'autos et de motos, des articles agricoles...

Des fillettes se faufilent entre les badauds, un plateau sur la tête, offrant de petits plats cuisinés ou de jus très sucrés, le tout servi dans des petits sacs en plastique individuels. Les petits garçons se promènent en bande, rigolards et prêts à faire des bêtises innocentes. Les femmes marchan-dent durent, les hommes discutent longuement, le soleil darde ses rayons torrides sur les corps luisant de sueurs, mais tous sont d'humeur joyeuse et le marché se poursuit jusque tard en après-midi.