lundi 8 novembre 2010

Sur le fleuve Niger

Le Kankou Moussa au quai à Ségou
J'avais toujours rêvé de descendre ou de remonter le fleuve Niger à bord de ces bateaux de marchandises et de passagers en même temps. Je me suis donc rendue à Koulikoro, le port le plus proche de Bamako. Koulikoro a, dans une autre vie, connu son heure de gloire comme étant la fin de la ligne de chemin de fer entre Dakar et Bamako. Aujourd'hui, le train ne passe plus par Koulikoro qui est redevenue une petite bourgade oubliée du reste du pays. Pourtant, Koulikoro porte encore en elle la marque de ce pan de son histoire : les rails sont certes enfouis sous les herbes, mais les traverses sont encore visibles aux croisements des rues. Je me remémore le livre du Sénégalais Ousmane Sembené "Les bouts de bois de Dieu qui raconte la grève des cheminots de Koulikoro, Thiès et Dakar, la première grève organisée et menée par les Africains contre les colons français. Sur les hauteurs de Koulikoro, un imposant et vieux bâtiment blanc de style colonial pourrait avoir été le siège du gouverneur français! Au pied de la colline, serrés contre le fleuve, s'empilent les taudis des anciens cheminots et quelques entrepôts délabrés.
Si le train ne vient plus jusqu'ici, le bateau, lui, remonte toujours le fleuve jusqu'a Tombouctou, en passant par Ségou, Markala et Mopti. J'ai pris une cabine de première classe dans le Kankou Moussa appareillant le mardi soir à 22 heures. J'ai l'air climatisé et un frigidaire, une douche et cabinet, le tout d'une propreté douteuse. Il n'y a pas de drap, pas d'oreiller, pas de papier hygiénique, pas de serviette de bain. Le luxe? Je suis seule dans ma cabine et j'ai vue sur le fleuve.

Sur le pont avant, des cheveaux et
une barge que le bateau poussera
jusqu'à Tombouctou
Le kankou Moussa avant le chargement

 







Des gens s'installent sur le pont

Le chargement du bateau est long et comprend des tracteurs, des cheveaux, des moutons destinés à la fête de Tabaski et, surtout, des sacs et des sacs de denrées et de marchandises allant de riz, oignons, couscous, sable, ciment et autres sont empilés, d'abord dans la soute, puis, quand l'espace vient à manquer, sur le premier pont (moi je suis sur le troisième pont). Si les ponts 2 et 3 servent à loger les gens dans des cabines privées ou des dortoirs, sur le premier pont, les gens les plus pauvres se battent pour trouver un espace où s'installer, certains se recréant une véritable maison!
 

La famille d'Aoulata s'est crée un coin chaleureux

Là, les gens installent leurs nattes directement au sol, resserrent leurs paquets autour d'eux, se formant ainsi un petit territoire délimité et collé sur des dizaines d'autres en une véritable cité flottante. Bien vite, la vie s'organise, des petis brazeros sont allumés et des poissons et beignets frits, tandis que les mères étendent les nattes et que les enfants explorent leur nouvel environnement à grands renforts de cris. Les hommes se retrouvent accotés au bastingage, une cigarette à la bouche, commentant les événements de la journée. 

Ma petite amie Aolata

                              
    


Au petit matin; le ciel est brumeux, le paysage flotte à l'horizon, incertain. On perçoit les silhouette floues d'arbres majestueux, seules les rives, non loin, tombent de façon nette dans les eaux grises. Dans la salle à manger, l'équipage regarde des films ou des téléséries ivoiriennes souvent très drôle et doublées d'une morale subtile. Nous nous arrêtons une première fois vers midi à Ségou où un gros chargement nous attend. Les débardeurs vont et viennent inlassablement, de lourds sacs sur le dos ou la tête. Sur la rive, les femmes et les filles font la lessive, des jeunes garçons se laissent glisser nus jusque dans l'eau sur une piste de lancement de bâteau.

Puis le calme plat. Le fleuve s'étale dans les herbes environnantes, formant comme un delta, mais dû seulement aux fortes pluies. La saison sèche fera réapparaître les îles et les arbres n'auront plus les pieds dans l'eau. Au petit soir, on aperçoit un barrage et le bateau se dirige vers un canal creusé pour le contourner. A l'entrée du canal se trouve la bourgade de Markala aux maisons de banco dorées par le soleil couchant. Des pirogues se lancent à l'abordage du bateau pour y embarquer des passagers ou encore vendre des pastèques. La nuit tombe, le canal est très étroit et dans un virage la barge se coince dans la terre. La manoeuvre pour reprendre le chemin prend beaucoup de temps.

Je somnole lorsaue des voix me parviennent tout droit de mon hublot, ce qui est impossible puisque je suis sur le troisième pont. J'entrouve les rideaux et me trouve nez à nez avec toute une foule qui vend des denrées. Nous sommes dans une écluse qui descend le bateau au niveau du fleuve de l'autre côté du barrage. Les arrêts trop longs pour le chargement nous a mis en retard et au lieu de deux jours, nous mettrons finalement trois jours à atteindre Mopti, ma destination. Le bateau lui continuera jusqu'à Tombouctou où, malheureusement, il n'est pas recommandé aux Occidentaux de se rendre suite aux enlèvement de nombreux Français au Niger voisin.





 

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