jeudi 21 octobre 2010

Petit poisson deviendra grand : la MECREPAG

La Guinée a beaucoup de cours d'eau venant des montagnes, mais aussi une longue côte sur l'océan atlantique où abondent petits et grands poissons. Sur la ligne d'horizon se dessinent les silhouettes de grands bateaux de pêche étrangers, entre-autres coréens ou japonais "pilleurs" des mers. En Guinée, la pêche est artisanale, c'est-à-dire que des pêcheurs individuels ou en petits groupes de deux à six partent dans des barques en forme de pirogue avec une petite voile et des filets qu'ils lancent dans l'eau pour attraper des poissons. La pêche consitue la principale source de protéines des Guinéens qui en consomment 13kg/habitant/an.

La pêche artisanale ne se limite pas aux seuls pêcheurs, en fait c'est toute une "industrie" qui fait vivre de nombreuses familles et comprend bien des acteurs différents : il y a en plus des pêcheurs et les débardeurs, tous des hommes, les femmes fumeuses de poissons et mareyeuses (qui vendent les poissons), les constructeurs de pirogues, les mécaniciens, les détaillants de matériel de pêche tel que les filets, les flotteurs, l'essence, la glace pour garder le poisson frais, pièces de rechange des moteurs, et bien sûr les armateurs ou propriétaires de barques (les bateaux ont la forme effilée des pirogues, mais sont larges comme des barques d'où une terminologie interchangeable).

La pêche est un métier très difficile : la mer est dangereuse et traitresse, les stocks de poisson ont diminué avec les années, résultat d'une pêche intensive de gros bateaux étrangers, forçant les pêcheurs à s'éloigner de plus en plus des côtes. Et la saison des pluies, qui dure presque quatre mois dans cette région, force les pêcheurs au chômage une bonne partie de l'année. Pour augmenter leurs prises, les pêcheurs cherchent à se procurer un moteur pour leur barque, ce qui leur permet non seulement de se rendre plus loin plus vite, mais réduit aussi considérablement la dépendance au vent pour se déplacer. Mais seuls 29 pour cent des pêcheurs ont actuellement un moteur à leur barque.

Femme venant faire le dernier remboursement de son prêt
Mais les moteurs coûtent chers, très chers pour les petits pêcheurs qui n'ont pas accès à des prêts des institutions bancaires, n'étant que très rarement solvable (il y a peu, le gouvernement guinéen s'est totalement désengagé du secteur de la pêche artisanale qu'il subventionnait auparavant. C'est ainsi qu'avec l'aide du CECI, l'Union des pêcheurs artisanaux de Guinée a mis sur pied une mutuelle d'épargne et de crédit destinée essentiellement aux acteurs de la pêche artisanale. La MECREPAG a vu le jour en 2007, dessert aujourd'huit 18 débarcadères (petits ports) sur le littoral autour de Conakry et vient d'ouvrir une succursale à Kamsar, plus à l'ouest.



 Le but principal des services de micro-finance est de faciliter l'approvisionnement en matériel et outils de pêches. Les différents corps de métier de la pêche (pêcheurs, fumeuses, mécaniciens) sont souvent regroupés en coopératives, ce qui leur permet d'obtenir des prêts plus facilement et assurent une responsabilité partagée des remboursements. Le crédit a d'abord été donné aux femmes qui ont des besoin moins grands. Par exemple, les fumeuses et les mareyeuses ont besoin d'argent pour acheter le poisson directement aux pêcheurs et les fumeuses pour les fours; le bois et les claies de séchage. Pour Salématou Bamboura (ci-dessus), qui auparavant fumait des poissons que lui donnaient des femmes nanties, aujourd'hui achète, fume et vend son propre poisson et
Avec les femmes fumeuses de poisson
au port de Téminétaye, à Conakry

ce, jusqu'à l'étranger. Elle s'est ouvert un compte d'épargne, envoie ses cinq enfants à l'école privée, peut se permettre des soins médicaux et entretient la famille pendant les quatre mois où son mari pêcheur ne peut travailler.

La MECREPAG a aussi prévu un fonds d'urgence pris à partir des cotisations des adhérents de la mutuelle. Ainsi, si un pêcheur perd son filet en mer, son ancien prêt est annulé et un nouveau accordé pour qu'il puisse se remettre au travail. Le fonds est aussi important pour les veuves des pêcheurs. Bouba, lui avait tout perdu en mer à la suite d'un naufrage. Rescapé, il a pu repartir à zéro avec un deuxième prêt rendu possible grâce au fonds d'urgence (en règle générale, un prêt doit être entièrement payé avant de pouvoir en demander un autre).

Des prêts ont aussi été accordés très rapidement aux coopératives des mécaniciens, soit pour en former des nouveaux, soit pour les aider à obtenir les pièces de rechange et les outils pour réparer les moteurs. Bref, la MECREPAG a permis à des centaines d'individus et à de nombreuses coopératives de se mettre au travail, d'augmenter leurs revenus et même de créer des emplois. Aujourd'hui la mutuelle voit grand et songe déjà à ouvrir d'autres succursales sur tout le littoral guinéen.
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