Avec ma belle monture et le chauffeur Alassan |
La filière peule. Le premier Peul que j'ai rencontré est Amadou Bah, du bureau CECI à Dakar. Et c'est certainement le Peul le plus doux et le plus gentil que j'ai connu. Puis j'ai rencontré Dian Diallo, du bureau CECI à Conakry, tout aussi gentil qu'Amadou. J'avais donc très hâte de connaître ce peuple, à l'origine des nomades éleveurs de bétail, fiers et arrogants, belliqueux et guerroyeurs, prêts à tuer pour sauver l'honneur mais aussi prêts à s'entretuer pour accéder au pouvoir*...
Amadou a été mon premier contact qui m'a guidé pour mon voyage. Puis il y a eu Alpha Diallo, le guide de Kédougou et sa très nombreuse famille, ses amis et compatriotes dans tous les petits villages traversés. Et puis, il a demandé à Alassane Bah, son neveu et à Abdou Diallo, un jeune Peul guinéen de m'emmener en Guinée. Les Peuls Cellou Diallo, gestionnaire et guide de Fouta Trekking Aventure à Labé en Guinée, a pris la relève et avec son ami et guide Mamadou Dian Diallo m'ont guidé pendant plusieurs jours de trek au Fouta Djalon. Pendant tout ce temps, Dian Diallo du CECI me précédait ou me suivait (via le téléphone peul) en s'assurant que partout où je passais, quelqu'un (un Peul bien entendu) s'occupe de moi.
Kédougou-Labé en motocross
Par une belle matinée naissante, nous sommes partis un groupe de quatre sur deux petites motos chinoises (125CC je crois). Je monte derrière Alassane, tandis qu'Alpha, qui n'est pas tranquille à l'idée de me voir prendre la route, s'est joint à Abdou, un jeune Peul guinéen de 17 ans qui rentre chez lui à Labé. A 7h30, nos sacs solidement ficellés sur les porte-bagages, le plein fait, casques et vestes mis, c'est le départ. Les premiers kilomètres, je savoure le plaisir de
sentir le vent sur la figure et la liberté de mouvement d'une moto versus l'écrasement des corps plaqués sur les sièges des taxi-brousse collectifs. Mais à peine 10 minutes de Kédougou, les routes disparaissent pour laisser place à des pistes ravinées par les pluies, coupées par des torrents profonds, ou la terre a disparu en laissant les rochers de latérite à découvert et taillés comme des escaliers. Ce n'est plus de la moto mais bien du motocross : je n'avais encore jamais monté des escaliers à moto, traversé des torrents d'eau atteignant les genoux en poussant la motot, glissé dans le sable et dérapé dans la boue comme dans un banc de neige. Souvent, les paysans et les motos ont créé des sentiers parallèle à travers les champs pour éviter les trous et bosses de la piste, ce qui fait que nous zigzaguons sans cesse de la piste aux champs, suivant une mince tracée sinueuse au milieu des hautes herbes. Notre vitesse moyenne est de 15 kilomètres à l'heure. Dans les montées la moto peine, le poids des bagages tirant vers l'arrière, dans les descentes, il faut faire attention de ne pas plonger par en avant! Il nous faut aussi éviter les nombreux animaux qui se promènent partout, vaches, chèvres, moutons et poules en liberté.
" Piste escalier " |
Deux arrêts nous donnent un peu de répit, la douane guinéenne, au millieu de nulle part où un douanier senior profite de mon passage pour donner une belle leçon de morale à ses congénères sur le fait qu'il faut absolument avoir un visa avant d'arriver à la frontière (ce que j'avais, mais beaucoup de Français essaient de passer sans visa), puis un autre arrêt pour réparer une crevaison - en changeant la chambre à air au complet - tout en mangeant une baguette avec du fromage Vache qui rit, une pomme divisée en quatre et une poignée d'arachides crues. La torture reprend bien vite, notre temps n'est pas très bon malgré nos efforts vaillants. Chaque moto connaît un dérapage qui nous fait tomber dans la boue. Enfin, après six (6!) heures de motocross, nous atteignons la petite ville de Mali-Yemberm en Guinée. Il est 15h, je suis fatiguée et considère dormir ici. Mais le plus difficile étant fait, Alpha et son cousin décident de s'arrêter là, rassurées de mon sort, et me confient alors au jeune Abdou qui connaît bien le reste de la route et a fait preuve d'une maîtrise peu commune de sa moto tout au long de la route. Lui et moi repartons donc, sur une " vraie" route. En fait, si cette route est très large par rapport aux pistes, elle n'est pas pavée pour autant mais en terre et est souvent ravinée ou avec des nids de poules impressionnants. Il nous faut nous dépêcher un peu car nous voulons arriver à Labé avant la nuit et, surtout, la pluie quotidienne du soir. Bien vite, la fatigue s'ajoute aux courbatures du corps. Abdou se frotte les yeux mais refuse de s'arrêter, moi j'ai tellement mal aux genoux à force de rebondir constamment sur les trous et bosses que j'en ai envie de pleurer. La nuit tombe avant que nous arrivions, compliquant encore la conduite, mais la pluie, elle, tarde à tomber. Enfin, après quatre heures et demie de route, nous atteignons la ville de Labé.
Belle cascade sur la route de Labé |
Abdou me laisse après avoir téléphoné au guide Cellou Diallo de Fouta Trekking qui vient me ramasser à la gare routière. Et là, le déluge nous tombe sur la tête, un violent orage qui a attendu que je sois arrivée en un seul morceau (un peu rabotée et meurtri). Je vais à l'hôtel Tata où descendent les gens du CECI quand ils vont dans la région. Le gérant, un Peul, m'attend avec impatience, prévenu par la filière peule (en l'occurence Dian Diallo) de ma venue et tenu de "bien s'occuper de moi ". Il ressemble et parle de la même façon que Bellarmin au bureau; sa gentillesse, une pizza au four et une douche chaude (ma première en Afrique) achève de me rendre ma bonne humeur.
Dix heures de moto : je suis contente et fière d'être passée là où tout le monde disait que c'était impossible, mais je ne le referais pas de sitôt!
* D'après l'histoire des Peuls de Tierno Monénémbo, écrivain guinéen
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