mardi 28 septembre 2010

Bédiks, Bassaris, Malinkés, Peuls et autres

La montagne qui sépare le Sénégal de la Guinée


Le Sénégal est riche en ethnies locales qui ont réussi à préserver une bonne part de leur culture tout en se mélangeant les uns aux autres et en cohabitant pacifiquement, du moins de ce côté de la frontière. Et quoi de mieux pour les visiter que d'aller à leur rencontre et de vivre quelques jours parmi eux. C'est ce que m'a proposé Alpha Diallo, guide certifié et expérimenté qui parle 9 langues (toutes locales, à part le français et l'espagnol) et connait la région et ses peuples comme sa poche.
Là-haut sur la montagne
Je suis donc partie un bon matin en 4 x 4 avec un chauffeur et Alpha. La campagne autour de Kédougou est verte et florissante, partout des cultures et des arbres à profusion. Nous nous dirigeons vers les montanges, droit devant nous, un grand mur massif et abrupte qui sépare le Sénégal de la Guinée. Après deux heures de piste cahin caha, la voiture nous laisse au pied de la montagne, en fait une véritable falaise. Et c'est la montée. Je suis vite trempée et mes vêtements collent à la peau ce qui n'aide pas mes mouvements.  La piste est très rocailleuse et humide, car il pleut toutes les nuits à cette saison. Heureusement, mes deux guides sont là, un porte mon sac, l'autre me hisse sur les rochers, car c'est parfois de la vraie escalade. Tout là haut, il y a des villages bédiks. Ce peuple, animiste, vivait auparavant à Kédougou, mais la montée de l'Islam les a poussés à se réfugier de plus en plus loin, en fait, de plus en plus haut. Les femmes bédiks se distinguent par leur nez percé et toute une série de boucles d'oreilles. En plein jour, il n'y a que les vieillards et les enfants au village, les hommes et femmes travaillent aux champs. Alpha connait tout le monde et s'enquiert de chacun, apportant des nouvelles "d'en-bas", des noix de kola qu'il distribue à droite et à gauche, parfois
Vieille femme bédik

c'est de l'argent qu'il donne à ceux qu'il sait être très pauvres. Partout il est bien reçu et par conséquent moi-aussi. Une parenthèse ici, quel que soit l'ethnie cotoyée, tous les Sénégalais sans exception se sont montrés d'une gentillesse, d'une courtoisie et d'une honnêteté remarquables. Pas un seul moment je ne me suis sentie de trop, pas une femme, un homme ou un enfant qui ne m'ait saluée avec un sourire, pas de tricherie, pas de plaisanterie vulgaire. La "teranga" (hospitalité) à son meilleur!
Et puis, c'est la descente, très difficile car les pierres glissent. Je force beaucoup des cuisses pour ne pas glisser, tandis qu'Alpha  me retient devant. Demain j'aurai les jambes en compote! Nous avons marché quatre heures aujourd'hui. En bas, ce sont des villages bassaris. Leurs cases sont différentes, ils utilisent des pierres qu'ils empilent en angle de façon à ce que le mur soit hérissé de pointes vers l'extérieur, comme pour se protéger! Nous restons dans un village peul, dans la concession d'une famille dont les cases entourent une cour où se déroule la vie de tous les jours. Les poules, chèvres et moutons trainent autour des casseroles, menaçant notre repas. Les enfants courent partout et rivalisent d'agilité avec les chèvres. Les enfants en-dessous de six mois pleurent en me voyant, entre six et 10 mois, ils se cachent dans le giron de leur mère, à un an et plus, ils me tendent la main avec un grand sourire lumineux. J'ai vite fait de les apprivoiser et me promènent partout avec deux, trois enfants accrochés à mes doigts. Au souper on nous sert un délicieux poulet yassa (avec moults oignons et du citron). Je mange avec les hommes (?), les femmes mangent de leur côté, mais si ce n'est du repas, ils se mélangent facilement.

Les poules à l'affût de notre repas
Village bédid d.Iwol






Case peule avec double mur permettant
un couloir circulaire qui sert de rangement

Le maïs est vraiment haut







Un village paradisiaque
Nous reprenons la route jusqu'à Dindefello, un gros village peul de 1 700 âmes perdues dans la nature et oubliée de la capitale. En effet, si le village bénéficie d'une antenne cellulaire, il n'y a ni eau courante ni électricité. Quant à la piste qui le relie à Kédougou, il est la plupart du temps impraticable pour les véhicules à cause des fondrières, des mares et des amas de boue. Pourtant la région est riche, il pousse bien des cultures : maïs, mil, manioc, arachides, pommes de terre, tomates, poivrons, haricots. Il y a des vaches; des moutons, des chèvres. Il y a tout plein d'arbres, des tamariniers, des baobabs, fromagers, kapokiers, calcédrats, citronniers, manguiers et plein d'autres dont je n'ai pas retenu le nom. Dindefello, ce sont des milliers de case éparpillées sous la verdure et les cultures et  reliées entre elles par des sentiers de terre. Tout le monde se connaît, se salue, se visite et s'entraide. Il fait bon se reposer sous le grand manguier de la place centrale et regarder s'écouler la petite vie tranquille de ce village/

2 km de descente raide jusqu'au marché!
L'après-midi, nous marchons deux kilomètres jusqu'à une cascade de 115 m, très impressionnante. Surtout, une piscine s'est formée en dessous, piscine dans laquelle je me jette tout habillée pour y flotter pendant près d'une heure sous le regard amusée et incrédule de mes guides! Ah, jamais eau ne m'a paru plus délicieuse et vivifiante!

Je loge à l'auberge de mon guide, soit trois cases aménagées dans la cour de sa maison. Le lendemain, nous partons à nouveau à l'assaut de la montagne. S'il faut souffrir pour être belle, il faut doublement souffrir pour voir de belles choses. Mes jambes sont raides comme des bâtons et refusent de plier sans douleur. Et encore une fois, c'est presque de l'escalade, mais lorsque je croise des femmes chargées de panier sur la tête qui descendent hardiment en route vers le marché de Dindefello, je ne pense plus à me plaindre. Certaines personnes viennent de loin, de Guinée notamment, pour le marché hebdomadaire de Dindefello.Une fois sur le plateau, nous longeons la crête jusqu'à l'autre extrémité en visitant plusieurs villages. A chaque fois, le chef ou les femmes nous accueillent, nous offrent à boire ou à manger. Mais le plus surprenant de la journée a été un champ de termitières en forme de champignons. La récolte du maïs a commencé, les hommes le coupent avec une faux, puis les enfants les épluchent, les femmes le cuisent ou le pilent.Partout les gens se promènent un épi de maïs grillé à la main.
Termitières champignons

Epluchette de blés d'inde non cuits
Puis c'est le retour à Kédougou, environ 4 heures de route à 20 km à l'heure étant donné les fondrières, les mares et la boue ambiante, mais toujours dans un paysage vert à couper le souffle. La région et les populations de Kédougou m'ont séduits et je ne peux que recommander à tous de visiter ces contrées heureuses.

La piste inondée de Dindefello à Kédougou
Demain je pars pour Labbé, en Guinée, à moto avec un chauffeur, car les routes sont presqu'impraticables pour les voitures et autobus, mais encore passable pour les motos.
Le village de Dindefello vu de la falaise

1 commentaire:

  1. Bonjour Caro l'aventurière. J'aurais bien aimé t'accompagner dans ce bout de voyage que très peu de uébécoisont réalisé, j'en suis convaincu. Ton journal de voyage est très vivant et il donne legoût de l'Afrique, bien sûr, mais surtout du voyage. J'espère que tu peux maintenant profiter d'un peu de fraicheur... A+ Pierre

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